Schmitronic
Réparations d'appareils électroniques vintage
Réparation d'un juke-box Wurlitzer Americana 3900 (allemand) de
1975
(Le Rouge !)
Arrive un Wurlitzer Americana qui n'a pas été fabriqué aux USA mais en Allemagne ! C'est ma 6ème machine avec ce nom, mais l'intérieur est finalement différent … et bizarre. Cette machine est référencée 3900 et n'existe évidemment pas dans les catalogues américains mais est bien mentionnée sur ce site.
Bon il a vécu et souffert, le châssis n'est même plus "assis" correctement sur ses ressorts ! C'est vite réglé, mais comment a-t-il été secoué pour sortir à ce point de ses assises ? Le haut-parleur aigües de gauche est mort, impossible à réparer, faudra commander … Je commence par remonter une fiche et un câble secteur, avec une terre ! Et j'huile moteur et engrenages.
Je découvre 2 relais non standards et dans un état douteux, on les trouve mais à 35 euros pièce ! Même la courroie n'est pas la même que sur les Wurlitzer US, faudra commander ... Cette version "européenne" risque ne nous coûter bien plus cher que les standards "américains".
J'étudie les schémas des Americana US mais le design complètement différent ... les couleurs des fils ne correspondent pas et il y a des variantes de câblages ... ça va être un casse-tête ... Finalement je me rends compte que les manuels des autres modèles non US sont valides : schéma de l'Atlanta, X2, Lyric, Tarock, Hideaway 1976 (zut ce lien ne semble plus actif). Donc le nom Americana n'apparait nulle part mais les schémas sont rigoureusement les mêmes, ouf ! Je peux avancer.
Une petite carte électronique pendouille sous le clavier, hackée sans vergogne et non remontée … aïe aïe aïe. Je vérifie tous les composants et recâble correctement le relais thermique et divers fils. Je n'ai aucune idée si cela va fonctionner. Je ressoude encore 2 fils cassés sur le câble bizarre qui va vers la fiche octale.
Après quelques allumages de la machine, c'est mon différentiel au tableau électrique qui saute ! Cette fois c'est un des 2 ballasts du circuit de tubes fluorescents qui a claqué ... circuiterie à remplacer totalement …
Je découvre les fusibles principaux d'alimentation grillés et je détecte les 2 diodes du pont de redressement -27V grillées … pas étonnant que la machine ne répond plus beaucoup. Les diodes montées sur de beaux radiateurs étaient des AEG de 3A, protégées par 2 fusibles de 10A ! Pfff toujours le même principe idiot : "le fusible saute, pas de problème, mettons en un plus costaud !". Et après c'est le désastre … les composants coûteux ne sont plus protégés et meurent, et après un vrai technicien passe des heures à mener un diagnostic complexe et à remplacer des composants parfois quasi introuvables et chers. Bref, j'installe déjà des diodes de 6A et des fusibles de 2,5A. Et ils sautent de temps en temps ! En y regardant attentivement la surcharge arrive à un moment lors du transfert de disque, une bobine ou un relais doit être grillé.
Ras le bol de remplacer 2 fusibles à tout moment, j'installe un disjoncteur 6A (c'est tout juste pour protéger mes diodes) et finalement je détecte que c'est au moment où la bobine M6 (changement de face A/B) s'active que tout saute. Je crains que la bobine ne soit grillée, mais non ce n'est que la diode "de roue libre" Di22 soudée dessus qui est morte !
Maintenant que les fusibles ne sautent plus, je constate que la machine ne passe toujours pas en face B pour autant : la bobine M6 et le relais AB sont toujours on ! En étudiant le plan j'ai un doute sur la diode Di23 qui se trouve sur l'axe tournant sur l'accumulateur à clichette : elle est morte également ! Une fois remplacée, tout rentre dans l'ordre ! Je crois que ces diodes ont claquées suite au claquage des diodes d'alim qui ont dû laisser passer une tension alternative au lieu de continue dans le circuit et les diodes se sont retrouvées avec une tension et un courant trop fort dans le sens passant.
Accumulateur
Je dépose l'accumulateur à lames sous le châssis, une vraie galère, le design allemand est catastrophique par rapport à l'américain, je ne comprends pas comment la filiale allemande a pu réinventer en pire ce qui existait ...
Je mets un peu d'ordre :
- ressouder un fil cassé du moteur de l'accumulateur (voilà pourquoi à un moment l'accumulateur s'est arrêté de tourner
- remplacer la résistance de 3,9 ohms 5W qui a vécue
- enlever la vieille graisse qui colle, du coup le moteur tourne maintenant beaucoup plus vite et la résistance chauffe moins, puisqu'il y a moins de courant demandé
- décrasser tous les contacts et pistes de l'accumulateur, …
Les 4 fiches rondes sont vieilles, certaines broches sont cassées, les autres sont noires, les capots sont descellés, une des fiches a été remplacée à la 6-4-2, pas terrible. Je refais tout cela un peu plus proprement, mais il n'y a pas de miracle.
La machine commence à réagir normalement, mais il y a souvent une absence de read out, la clichette est levée, le bras de recherche tourne et la tige qui balaie heurte bien la clichette levée, mais l'arrêt et le déclenchement de la prise de disque ne se fait pas, il continue à tourner. En y regardant de près on voit que la tige est montée sur ressort pour glisser sur la clichette au passage, mais il n'y a pas d'interrupteur électrique qui s'actionne et commande l'arrêt du bras et le départ de la séquence de prise de disque ! Comment est-ce possible ? Après quelques minutes de réflexion, une seule explication est possible : le carrousel et les clichettes sont à la masse et cette masse est transmise à la tige du bras par frottement au moment du passage ! Incroyable, j'ai quand même rarement vu un design aussi pourri ! Ce montage ne peut pas être fiable : les clichettes ne sont tenue que par un ressort et elles glissent dans 2 fentes, et comme les clichettes et la tige s'oxydent, le contact est aléatoire. Je suis bon pour un décrasser général … qui ne marchera qu'un temps. Mais quel brol.
Le read-out fonctionne plus ou moins, mais le write in n'est pas plus fiable. A nouveau un design cafouilleux : pour sélectionner plus vite une clichette, 10 petites bobines sont réparties sur le pourtour du carrousel, donc en principe en 1/10 de tour de carrousel la bonne clichette peut être frappée par la bobine la plus proche. Sauf que pour sélectionner la bonne bobine à activer, un mini carrousel a été ajouté au carrousel principal avec une courroie (un ressort), une plaque avec frotteurs et pistes et une bobine et un pointeur de position pour bien se caler. Evidemment tout cela est très peu fiable et ça cliquète sans sélectionner. Il faut parfois 2 tours complet pour que la sélection se fasse, le résultat est pire qu'avec le système Wurlitzer US classique. En bricolant beaucoup, ça fini par marcher mieux, mais cela reste un brol sans fiabilité.
Audio
Un haut-parleur medium est mort et non réparable et comme il est difficile de trouver le même modèle, j'en commande 2 identiques d'un autre modèle pour quand même garder un équilibre sonore correct. Je vérifie l'ampli (balance, tonalité, bruits fond, pot) et la vitesse (courroie, diamètre axe moteur), c'est OK.
Par contre je n'arrive pas à régler la position d'entrée de l'aiguille sur le disque (vis TA), parfois c'est ok et parfois elle est 2 cm à côté ! Evidement un réglage fin sur la vis d'ajustement TA ne résout rien, il y a un problème plus fondamental. Je me rends compte qu'avec un petit effort le bras peut bouger de 30° tout en gardant l'axe de rotation vertical fixe ! En étudiant la vue éclatée du mécanisme, je repère une vis Allen qui bloque le bras sur l'axe, elle est minuscule, je la resserre … mais le problème est toujours là ! Je regarde à nouveau la vue éclatée, l'ensemble mécanique est complexe et je découvre alors une 2ème petite vis Allen mais cette fois sur la partie en dessous du plateau, bingo, c'est ça !
Maintenant que l'ensemble mécanique est à nouveau stable, je passe au réglage fin de la pose de l'aiguille en approche du disque avec la vis TA, le ressort qui retient le bras contre la vis TA n'est plus assez tendu, il me faudra également le remplacer. Cette fois ça y est, l'aiguille se pose parfaitement.
Conclusion provisoire
Après une mise en crédit gratuit (fil rose-gris à la masse dans l'accumulateur du monnayeur), la machine fonctionne vaille que vaille, le moindre choc et il y a des soucis en tous genres, en fait ce sont les broches des 4 fiches rondes qui se raccordent sur l'accumulateur qui ne sont pas bourrées de faux contacts. Il n'y a rien à faire, il faudra revoir tout cela. Rien ne vaut la connectique Molex, mais quel boulot !
Le retour
Le temps passe vite, la machine est nettoyée, de nouveaux éclairages y sont installés et elle est "montrée" à la vente. Un candidat acheteur se manifeste, mais je dois maintenant rendre la machine fiable. Après retour à l’atelier, je découvre que la petite carte électronique a été cassée et les sockets arrachés. Je répare déjà ça et ressoude quelques fils. De même le châssis est tombé de ses 4 ressorts suite au transport, quel pauvre design. Il y a des fils et des câbles qui vont dans tous les sens c’est un vrai bazar, je rationnalise un peu tout cela pour aérer et voir un peu plus clair dans cette caisse.
Je remplace les 5 connecteurs ronds par du gros molex, j’y ai passé quelques heures. Les ingénieurs de Wurlitzer Allemagne ont essayé de respecter la convention internationale de couleur des fils (noir=0, brun=1, ...) … mais en décalant de un (noir=1, brun=2, ...) ! Pff ce n’est pas possible, des bêtises pareilles. J'ai trouvé des erreurs dans les plans, leur notation est tellement complexe qu'ils s'y perdent eux-mêmes. Et en plus, au montage, les techniciens se sont trompés : ils n'ont pas respecté les couleurs de fils des plans ! Par exemple, sur le plan, un fil violet passe à un fil vert à la 1ère fiche, puis au bleu à la 2ème pour revenir au violet à la 3ème ... mais les techniciens ont utilisés un fil violet tout du long ... et utilise le fil vert pour autre chose ! C'est un vrai gag comme dans le film « La 7ème compagnie » ... Ils ont dû en avoir des problèmes. Cela démontre aussi un contrôle qualité inexistant. Pour en sortir, j’ai recâblé les connecteurs en suivant à la lettre les couleurs du schéma (même s'il y a plusieurs changements inutiles de couleur) et non celles improvisées par les techniciens en usine. Cela m'a fait perdre un temps fou ... ça m'a pris la tête, vraiment. Mais au moins tout est maintenant conforme et fonctionnel.
Bref, après avoir tout remonté le clavier et l'accumulateur réagissent mieux et il n'y a plus d'effet mitraillette, donc le write-in est OK. Il reste 2 problèmes majeurs :
- le read-out ne fonctionne pas de manière fiable : le doigt de lecture effleure la clichette levée et devrait faire un contact électrique suffisant pour déclencher le transfert, mais ça ne marche que rarement
- le reset de la clichette ne se fait pas ... parce qu'il n'y a plus de masse sur le bras tournant ! Le circuit se faisait (mal) via le boulon (M19 !) qui fixe le disque de popularité placé au-dessus du panier ! C'est n'importe quoi, j'ai enroulé une tresse de cuivre autour de l’axe pour assurer un minimum de masse.
Pour assurer un meilleur contact clichette, j'ai encore une fois dû déposer l'accumulateur (quelle galère surtout pour le remonter après), mais j'ai ainsi pu utiliser l'avantage des nouvelles fiches et travailler sur table. J'ai décrassé toutes les clichettes à la Dremel (2h), le read-out est meilleur mais toujours pas systématique ... Les bobines de reset fonctionnent de manière aléatoire, tout dépend du contact de masse via l'axe central. Le clavier a toujours des faux contacts, mais si on effleure les 2 touches sélectionnées, il fait bien le write-in à tous les coups.
Pour fiabiliser les opérations, j’ai décrassé « à fond » les pistes et les frotteurs du bras de lecture de l’accumulateur. Il me faudra même plier les lames de frotteurs pour assurer des contacts électriques fiables et ainsi améliorer la sélection et le reset des clichettes.
Bizarrement le bras de transfert se heurte à la platine ! Un rehaussement de la vis de butée basse du bras de transfert suffit à remettre le mouvement en ordre, même si le bras frôle toujours la platine.
Le levier de déblocage du panier à disque fait parfois plusieurs claquements et rate l’arrêt. Le réglage de la butée arrière de la bobine K3 de déblocage du carrousel à 2 mm permet de résoudre ce souci.
Lors d'une sélection, la clichette ne redescend pas, pourtant la bobine de reset frappe bien dessus ! En y regardant de plus près, le ressort de maintien exposition basse a disparu ! Puis je me rappelle que j'avais retrouvé un tout petit ressort en fond de caisse dont je ne voyais pas l'usage. Maintenant je sais ! Evidemment je ne jette jamais ce que je trouve en fond de caisse, je dépose tout dans un petit godet.
Il me reste encore à remettre 30 petites ampoules pour éclairer la bande lumineuse du "disc in play" pour enfin rendre cette machine utilisable.
A l'écoute, le son n'est pas encore au top. Il faut dire que les haut-parleurs mediums-aigües ne sont pas d'origine, mais la qualité de ceux-ci me semble bonne. La courroie est une vieille courroie de Wurlitzer USA et elle vibre. Je mets un courroie pour Wurlitzer allemand, (même diamètre, juste plus fine ! Pfff) et la rotation est maintenant bien souple. Je finis pas devoir remplacer la tête par une neuve (Pfansthiel 132D), ce n'est pas une mince affaire car :
- la vis de serrage du bras de lecture est cassée, je dois forcer la fourche pour déposer le bras,
- les petites vis de serrage de la tête sont trop longues, je les recoupe,
- les 2 clips du support plastique de la tête cassent, ils sont petits et cassants malgré ma délicatesse
- le levier pour retourner l'aiguille est dans le chemin du bras de transfert, je dois le raccourcir !
Bref, il m'a fallu plus d'une heure pour bêtement changer cette tête de lecture ! Mais l'essentiel et qu'après tous ces soucis d'adaptations, le son est plus net. Le volume de l'ampli reste néanmoins faible et il y a encore un léger ronflement. Je remplace les 2 condensateurs de filtrage de l'alimentation de l'ampli pour éliminer le ronflement. En travaillant sur l'ampli, à un moment, un des transistors driver chauffe, je le sens au nez, je coupe le jus en catastrophe. Un fils soudés directement sur la base du transistor de puissance a cassé. Il faut dire que le design général de cet ampli n'est pas bon : les composants sont disposés n'importe comment, c'est de la stéréo, ce serait tellement plus clair et plus simple d'avoir une architecture symétrique, ben non ... il est impossible de retirer la carte préampli car il n'y a aucun connecteur et les fils sont des monobrin ... cassants ! Tous les fabricants utilisent des fils multibrins souples. Mêmes les transistors de puissance en boîtier TO-3 ne sont pas montés sur un support. Sur les Seeburg on peut les démonter, les tester et les remplacer rapidement. D'ailleurs, je les enlève toujours lors des dépannages, l'ampli fonctionne sans risque à puissance faible et cela évite de les griller bêtement en cas d'anomalie lors du dépannage. Ici c'est plus difficile, il faut dessouder tous les fils !
On n'arrive pas à accéder à la face composants du préampli ... ça me fatigue. Je vois néanmoins 2 trimpots de gain, accessibles par un trou dans la face avant mais non documentés (!), je les décrasse et les mets à fond et hop, j'ai du volume ! Quelqu'un les avait mis au minimum ...
Voilà donc une machine européenne, copie quasi conforme au modèle américain, mais en pas de vis métrique et non impérial, un design électrique beaucoup moins fiable (clichettes conductrices, mauvaises liaisons de terre, couleurs des fils aléatoires), ampli sans structure et pénible à réparer. Je ne comprends pas la logique business de ces versions européennes, pourquoi se casser la tête, il suffisait d'importer les modèles américains, non ? Bref après de nombreux problèmes et beaucoup de travail, la machine refonctionne correctement.