Schmitronic
Réparations d'appareils électroniques vintage
Réparation d'un juke-box Seeburg-Stern Phoenix de 1980
Arrive le dernier modèle de l'époque chez Seeburg : le Phoenix. C'est marrant, le modèle précédent s'appelait Disco, mais c'est celui-ci qui a la boule disco, tournante et éclairée ! D'ailleurs il n'existe pas de manuel pour ce modèle, celui du Disco SMC-1 suffit. Sur Juke World DB je découvre qu'il y a eu 2 versions de ce modèle SMC2 Phoenix : celle de Seeburg et celle de Stern, qui avait racheté Seeburg en 1979. J'ai bien la version de Stern, elle facile à identifier, la seule différence sont les flancs verticaux oranges ! Elle est en très bon état, elle fonctionne quasi parfaitement, seul le son est exécrable : pas net, entre en résonance dans les basses, distorsion à faible volume, ....
Je procède d'abord à la maintenance de base : lubrification du phonographe, vérification des contacts, mise à la terre, .... J'en profite pour remettre des vis correctes pour maintenir le boitier MPU/clavier, car l'ensemble bouge et ne tient que par un vis non conforme ... L'éjection ne se fait pas toujours en fin de disque, la soudure du contact Reed s'est défaite, un petit coup de fer à souder et c'est bon.
Maintenant, on s'attaque à l'audio, je commence par tester l'ampli à l'établi : couper la bobine mono, décrasser les contacts de tonalités, remplacer C37 (10µF entrée), décrasser les 2 connecteurs de cartes, vérifier les résistances critiques, capas, diodes, transistors drivers et de puissance, vérifier les tensions alimentations, installer résistances fixes de bias x 2 à 27 ohms, 1,65V, vérifier les contacts relais mute et régler les gains. Je désactive encore l'Automatic Volume Control (AVC) qui me semble très sensible. Le plus simple est de mettre le signal "AVC disable" à la masse via un fil externe à la carte préampli. Je teste l'ampli en injectant de l'audio Bluetooth en entrée et sur les HP de mon banc d'essai en sortie et le son est parfait.
En remontant l'ampli dans la machine je me rends compte que 2 fils rouges et 2 fils bleus partent de chaque canal vers les haut-parleurs, alors qu'habituellement il n'y qu'un seul fil par canal. L'impédance globale est de 2,4 ohms alors que d'habitude je mesure 12 ohms, bizarre.
Il y a un faux contact dans la tête de lecture, ce qui provoque d'énormes explosions sonores dans l'ampli et les haut-parleurs. C'est un problème classique et je pense que beaucoup d'amplis et de tweeters ont rendu l'âme à cause de cette simple faiblesse dans la tête. Du coup, vu la délicatesse de l'opération, j'ai dû sortir le phonographe et le poser sur une table pour accéder confortablement aux 4 cosses dans le socket du bras (voir partie audio de la page Mardi-Gras).
Les aiguilles ont l'air bonnes, mais je les remplace par des neuves et c'est pire ! Je remplace également les 2 ressorts et là le son s'améliore nettement, les aigües apparaissent. Il reste une petite distorsion dans les HP aigües à bas volume ... lors des coups de basses. Je n'avais pas fait très attention, mais je ne retrouve pas les tweeters en cornet habituels, non, à la place, des HP mediums ovales ont été montés via une planchette d'adaptation.
Je regarde le filtre LC qui élimine les basses pour éviter qu'elles n'aillent faire claquer les tweeters, il est bien là dans le châssis contrôleur ... mais les fils n'existent pas dans la fiche ! Le filtre n'est donc pas raccordé ! J'ai compris : Seeburg a mis des HP mediums à la place des tweeters et ils sont raccordés en direct sans passer par le filtre, d'où la raison des 2ème fils raccordés à la sortie de l'ampli ! C'est vraiment bizarre car la Juke World DB indique bien que les 2 modèles Phoenix sont équipés des mêmes "2x rectangular horn type high frequency 16 Ohm, #512983". Cette information est confirmée par une brochure Phoenix en vente sur eBay où l'on voit bien les pièces de remplacements dont les tweeters en cornet.
Donc le montage dans la machine n'est pas conforme et n'est documenté nulle part, mais a bien été monté d'usine. Je démonte ces 2 HPs et découvre qu'en fait il est constitué de 2 HP, en effet un petit tweeters des 5 cm de diamètre se trouve suspendu dans l'espace intérieur du cône de la membrane de la partie medium. Mais le bord de la membrane medium caoutchoutée est littéralement tombé en miettes ! Donc je n'entendais plus que les sons émis des tweeters, la partie medium n'étant plus soutenue par les bords ne pouvaient plus que distorsionner.
Cette mise en parallèle de 3 HPs explique la faible impédance résultante de 2,5 ohms. Pas bon ça comme design, je serais curieux de savoir si tous les Phoenix sont comme ça ou si Seeburg-Stern a bricolé ça pour écouler des anciens stocks de HP mediums ou parce qu'ils étaient en rupture de tweeters à cornet. Réponses en fin d'article !
Soit je mets des tweeters à cornets d'occasion, mais je dois recâbler le circuit pour insérer le filtre existant, soit j'installe des tweeters à cornets neufs de chez Jukebox Revival (Studioz NTX-417, 8 ohms, 50 W, 45 euros). L'avantage est qu'il sont vendu avec le condensateur de filtrage non polarisé de 6,8µF, je n'ai donc aucun câblage à modifier. J'opte pour cette solution simple. Ils se montent directement dans les 4 vis existantes, ce qui prouve bien l'anomalie. Ces nouveaux HPs sont d'excellentes pièces de remplacement, ils donnent un bon son. Ils sont juste un peu fragiles, le cornet étant en plastique, le lourd aimant fixé au bout est en porte-à-faux et en cas de choc important pourrait briser le cornet à ses fixations.
Le son est bon, mais avec les basses à fond, à partir d'un certain niveau de volume une importante résonance dans les basses s'installe ! Il faut dire que le châssis du phonographe pose sur l'énorme caisson de basse qui occupe tout le bas de la machine. Je cherche les points de contacts qui pourraient transmettre les vibrations du caisson de basse vers le phonographe jusqu'à l'aiguille. Le panier à disque et le phonographe sont suspendus sur 4 ressorts qui reposent sur une armature vissée au caisson. Et 4 boulons à serrer peuvent bloquer mécaniquement le panier à l'armature lors des transports. Il reste un écrou qui n'est pas suffisamment desserré, mais même dévissé cela ne résout pas le problème de résonance. En fait avec le temps, des lames souples de suspension du panier tirent les équerres de soutien vers l'intérieur et un contact mécanique se fait entre les 4 boulons et les équerres, ce qui transmet parfaitement les vibrations ! De plus flotter sur des ressorts ne réduit pas les résonances, parfois elles s'accentuent. Il faut un amortissement pour étouffer les vibrations, comme dans une voiture : ressort et amortisseur vont toujours de pair. Je trouve des caoutchoucs "passe-câble" qui se glissent parfaitement sur les boulons et touchent le bord des équerres. Je teste et oh miracle, je peux monter le volume à fond, la résonance a disparu et le son est ... superbe, enfin !
En tous cas, cette machine a presque accumulé tous les défauts possibles du côté audio mais avec réflexion et méthode on y arrive !
Suite à ma question à propos de ces haut-parleurs médiums non documentés, Laurent, de la région de Nancy et restaurateur de jukeboxes, a éclairé ma lanterne et m'a donné quelques informations intéressantes, dont la source principale est Ron Rich, le spécialiste américain bien (re)connu :
"Sur le SMC2 Seeburg (dont très peu ont été construits), au-delà des grilles brunes au lieu d'orange, la boule à facette tourne dès que la machine est en marche mais la lumière ne s'allume que quand la mécanique est en marche. Une petite carte PCB et un Triac ont été inclus qui allument les lumières lorsque le moteur du mécanisme fonctionnait.
Par contre sur le SMC2 Stern, la boule à facette tourne ET la lumière s'allume dès que la machine est en marche. La carte PCB et le triac ont été éliminés. La carte CPU a été redessinée et il y a eu des corrections de bugs. Pour les productions ultérieures SMC2 Stern, les tweeters à pavillon ont été remplacés par des haut-parleurs 4x10 en raison, je crois, de l'aversion pour les tweeters à pavillon de l'ingénieur en chef de Seeburg. Cela a peut-être entraîné la suppression du circuit de croisement du PCC. Il y a même eu des HP 3 voies !"