Restauration d'un flipper Bally Bow and Arrow de 1974
La machine remise en état
Un jour un collègue m'informe que dans un garage dans sa famille il
existe un vieux flipper en train de se morfondre. Connaissant ma passion pour la
restauration des machines, nous en parlons, c'est un Bally Bow and Arrow de
1974, une machine avec un thème cowboys et indiens réputée pour la qualité de
jeu mais aussi pour avoir servi de prototype d'électronisation ! En effet la
machine a été construite à 7.600 exemplaires en
version électromécanique,
et il semble que 17 prototypes aient été montés en
version électronique. Le
site ipdb montre d'ailleurs des
photos historiques sur la page de la version électronique, et je ne résiste pas
à commenter ces photos exceptionnelles
en fin de page.
Les beaux-fils de mon collègue me livrent la machine, la vitre du fronton
est en parfait état mais par contre le plateau est vraiment très usé. Ayant
perdu les clés, je commence par forer les 2 serrures, et je trouverai une clé de
réserve pendue au crochet habituel à l'intérieur de la porte. L'intérieur est complet et
en bon état, il n'a pas pris l'humidité, on y
voit juste beaucoup de poussière noire ! Je démarre, rien ! Mais il me suffit de
vérifier les supports de fusibles pour découvrir que les lames ne sont plus très
vaillantes et en les resserrant un peu la machine démarre ! Je remplace d'office
les 4 supports.
Un fond de caisse bien rempli avec les anciens supports de fusible
La machine démarre mais le moteur principal n'arrête pas de tourner,
je me doute de ce que c'est car le contact du monnayeur est resté bloqué en bas
lorsque j'ai mis du crédit ! Un petit coup d'huile de machine à coudre sur l'axe
de rotation du contacteur redonne toute la souplesse nécessaire pour que le ressort fasse
à nouveau remonter la tige du contacteur.
Cette fois je commence par mettre le plateau en état, je regarderai au
fonctionnement des règles de jeu après. Pourquoi ? Parce que quand je nettoie
totalement un plateau, je décrasse tous les sockets et contacts et remplace
toutes les ampoules et donc, comme le plateau est alors 100% opérationnel, il
est plus facile de vérifier les règles de jeu puisque je suis sûr que tous les
contacts et ampoules fonctionnent.
La routine de nettoyage de plateau est toujours la même : je commence par
le haut, je prends des photos et démonte le décor par zone, nettoie les décors
au ChanteClair, laisse tremper et vibrer les plots et les pièces métalliques
dans le nettoyeur à ultra-sons (avec de l'eau chaude et du ChanteClair !),
pendant que les décors sèchent, je décrasse les sockets à la Dremel (ce qui
produit de la poussière) et les contacts "au carton", puis je nettoie le plateau
au ChanteClair, pendant qu'il sèche, je passe les décors à la pâte lustrante
pour plastique (Novus2), puis je passe le plateau sec au WildCat ou à la cire de
Carnauba. Et enfin je remonte le tout : ampoules et caoutchoucs neufs et
remontage des décors. Il ne faut surtout pas utiliser le ChanteClair sur la
peinture de l'apron, car au départ cela va très bien puis de petits points
clairs apparaissent et la peinture s'en va : bye bye le beau dessin ! J'utilise
le produit délicatement et dilué sur les aplats de couleurs mais jamais sur la
sérigraphie, l'eau suffit. Pareil pour les chapeaux de bumpers. Le dessin sur
les plaquettes des cibles tournantes est très abîmé, cela s'achète neuf ou sous
forme d'autocollants, mais je trouve que c'est cher pour ce que c'est. Je trouve
une forme d'étoile identique dans MS Word, je les mets en bleu et en rouge et à la
bonne dimension, j'imprime sur papier photo et je les colle à la colle Pritt, ça
ne coûte rien et cela dure très longtemps. Et au pire on les réimprime et on les
recolle ! Bref, la remise en état d'un plateau demande une routine de travail
bien précise sans perdre de temps pendant le séchage. Avec cette
méthode, il me faut 6 h pour refaire un plateau "simple niveau". Je continue le nettoyage de la caisse du fronton et des rouleaux,
toujours au ChanteClair. Par contre, pour les rouleaux des compteurs, si on veut
redonner du contraste, il n'y pas le choix, je dilue le produit et passe sur le
plastique cylindrique en douceur. Seuls quelques points blancs apparaissent de
temps en temps dans les chiffres (la peinture part). Je retouche ces trous avec
un bon feutre noir et c'est parfait.
Je mets la machine en crédit gratuit en bypassant les 2 contacts sur le
credit unit (qui coupent le add coin relay et la credit light sous l'apron
gauche). Il faut encore ressouder un fil sur le contact du spinner unit qui fait
avancer les 10 lampes avant de faire un ajout de bonus. Avec une nouvelle bille et les patins de pieds, on peut
maintenant jouer ! Je démarre … et tout déconne ! Caramba !
Les bonus
s'ajoutent sans cesse … c'est un contact add bonus sous plateau qui est
fermé en permanence suite à mes manipulations.
L'animation
principale de la machine consiste en 5 lampes qui s'allument en séquence
devant 2 cibles et qui indiquent le nombre de points obtenus au moment où la
bille touchera la cible. Le séquençage se fait avec un moteur qui fait
tourner une unité complexe pendant toute la durée du jeu, système délicat et
vite usé. Je nettoie les pistes et les plots, le moteur tourne bien et les
lampes défilent régulièrement. Or quand je ferme le plateau, l'animation
s'arrête ! Je soulève le plateau, l'animation repart ! Pas moyen de voir ce
qui se passe, car l'unité est tout au fond de la caisse. Après 2-3 essais,
j'éclate de rire car je pense au type de la blague qui ouvre très vite la
porte du frigo pour vérifier si la lampe est bien éteinte à l'intérieur
quand la porte est fermée ! Finalement je me rends compte qu'après avoir
retourné le plateau pour décrasser les sockets et remplacer les lampes
commandées, la grosse tresse de fils du plateau ne se repose plus de la même
manière et vient se placer sur la roue de l'unité de séquençage et la freine
au point d'arrêter le moteur ! Heureusement que le moteur supporte l'arrêt
sans griller et que la roue n'a pas usé l'isolant des fils de la tresse !
Les slingshots
font la mitraillette, normal les contacts ont été adaptés à des caoutchoucs
détendus et avec des neufs ils sont fermés et cliquètent, classique.
La cible centrale avec les 5 lampes de séquence
Après tout ça, la machine peut jouer calmement … euh trop calmement
d'ailleurs car je n'entends qu'une seule note de carillon sur trois. Il me faudra
ressouder le fin fil cassé sur la bobine des 10 points et décrasser la broche de
la fiche carillon qui va vers la bobine des 1.000 points pour que la bon vieil
accord de Fa se fasse entendre.
Sous les 4 bumpers, 2 coupelles sont cassées, elles ne coûtent pas bien
cher à remplacer, mais cela prend du temps car il faut démonter complètement le
bumper. Il reste à mettre la porte à la terre pour une raison évidente de
sécurité, à décrasser le monnayeur et à nettoyer les vitres pour que la machine
soit terminée.
Etonnement toute la logique de jeu fonctionne : ouverture de porte vers la
rampe du lanceur, extra ball, special, collecte de bonus en cours de partie, double bonus, … Même les
high score et la loterie fonctionnent … fiables quand même ces Bally mécaniques
!
J’y joue régulièrement, mais lors d’un nouvel allumage, le moteur tourne
et je vois le N° de bille passer rapidement de 1 à 5 puis la machine se met en
game over, wouah la partie est jouée en quelques secondes sans même lancer la
bille ! Mais comment est-ce possible ? Puis je me rappelle, n’est-il pas tilt
permanent ? Mais oui bien sûr, le cône métallique de tilt est monté à l’envers, pointe en
bas et au-dessus de l’anneau ... et il est tombé dans l'anneau, tilt franc et
permanent. Ce n’est pas la première fois que je le vois
monté comme cela, OK ça marche, mais ce n’est pas une bonne idée, car comme ici si la vis
ou le clip de blocage du cône lâche le cône tombe dans l’anneau et la machine ne
peut plus jouer. Tandis que si le cône est monté normalement, pointe en haut et
sous l’anneau, au moins s’il tombe il n’y a pas de tilt et on peut continuer à
jouer, personne ne va se plaindre !
Beau détail du fronton
Quand je restaure une machine, je teste toutes les configurations. Les
machines sont habituellement configurées en 5 billes, donc je la teste en 3
billes … et à la fin de la 2ème bille, il se met en game over ! Je
revérifie, c’est systématique. M’enfin comment est-ce possible ? Elle
fonctionne correctement en 5 billes. Cela ne peut provenir que du coin unit,
mais l'unité est bien positionnée, car les bons N° de bille s’affichent …
Il y a 7 plots/positions sur l'unité, voir photo ci-dessous. J’inspecte de près la lame qui active le game over lorsqu’elle arrive sur le
4ème plot en 3 billes et le 6ème plot en 5 billes. Si sur
le 1er plot (bille N°1) je connecte un fil
volant entre la lame et le 3ème plot (bille N° 2), il passe bien en game over ! En
regardant dans l’interstice au dos des plots, je vois un petit fil anormal soudé entre
le 3ème et le 4ème plot ! Il me faut démonter l’unité pour accéder aux plots et
l’on y voit bien un bout de fil avec une belle soudure faite d’usine il y a 42
ans ! Je constate qu'un autre pont est réalisé entre les plots 6 et 7, sans
doute comme sécurité. Donc un pont entre 3 et 4 pourrait être fait pour la même
raison, mais il aurait été fait par erreur entre 2 et 3. En regardant le schéma, on trouve bien le pont 6-7 mais
aucun pont autour du 4ème plot. Donc c'est sans soute une erreur de câblage, le contrôle qualité
en usine n’était
pas au top non plus. Et depuis, la machine n’a jamais été utilisée en 3 billes !
Amusant, la machine peut enfin jouer comme prévu !
A gauche, les plots de "Game over" sur le Coin Unit et à droite, le schéma du Coin Unit
Et voilà, une très belle machine que ce Bow & Arrow, j'adore la suspense
du séquenceur pour ouvrir la porte qui permettra de ramèner la bille au lanceur.
La machine en action
Le prototype électronique du Bow & Arrow
Ce passage d’une machine mécanique à une technologie électronique est
fascinant. Voici mes commentaires sur les photos du prototype électronique
(source ipdb, 9ème exemplaire)
L’ensemble de l’électronique
Toute l'électronique est placée en fond de caisse sur la planche
habituelle des machines mécaniques ! Une belle tresse sa masse et des feuilles en
aluminium courent tout autour, les designers étaient manifestement préoccupés
par les parasites et les masses. On reconnait déjà bien l’architecture en 4 modules. De droite à gauche :
le bloc d'alimentation derrière sa grille
la carte solénoïde déjà très ressemblante à la version définitive
la carte MPU
la carte lampe rectangulaire mais à l'architecture reconnaissable
La MPU
Ce n’est pas une photo prise en 1974 car on voit les coulées de la batterie
en haut à gauche ! La réalisation des circuits imprimés est professionnelle (pistes,
structure et annotations), mais de nombreux straps existent quand même, c’est
bien un prototype.
On reconnait bien le processeur en plein milieu de la carte et les 2 PIAs au-dessus,
l'orientation changera sur la version finale. Les composants principaux sont
numérotés, la carte est déjà nommée A4 MPU ! Les connecteurs molex 0,01" sont
déjà présents dans leur version définitive, les 16 DIP SW également, ainsi que la
LED verte ! On y trouve également déjà de nombreux supports (7) de réserve. En
fait tout y est, en gros la version définitive n’est qu’un alignement des
circuits intégrés.
Afficheurs
Les verres d'afficheurs sont déjà les définitifs, mais le circuit imprimé
avec l'électronique est monté en parallèle et en vertical avec le verre, il sera
placé d'équerre à 90° et à l'horizontale par après.
L'animation principale de la machine mécanique consiste en 5 lampes qui
s'allument en séquence devant 2 cibles et qui indiquent le nombre de points
obtenus au moment où la bille touche la cible. L'heureux propriétaire de cette
machine électronique rare explique sur ipdb que dans la version mécanique ce
séquençage se fait avec un moteur qui fait tourner une unité complexe pendant
toute la durée du jeu, délicat et vite usé ! Dans la version électronique, cette
unité n'existe évidemment plus et le défilement des lampes est réalisé par
logiciel et peut même fonctionner en attract mode comme il n'y a pas d'usure. C'est là qu'on voit la réduction de coût et les nouvelles possibilités offertes par l'électronique.