Schmitronic

Réparations d'appareils électroniques vintage



Restauration d'un flipper Bally Keith Haring !

Mon passage sur la chaine de TV locale n'est pas passé inaperçu et Jean- Michel G., un passionné d'art et de flippers, me découvre et me contacte. Il y a 20 ans, il a "customisé" un flipper sur les thèmes classiques du grand artiste Keith Haring. Mon épouse et moi apprécions particulièrement cet artiste, nous avons d'ailleurs eu l'occasion de visiter la "Maison du dragon" chez Roger Nellens à Knokke là où Keith Haring a passé ses 3 derniers étés.  D'ailleurs la déco d'un cajon que j'ai réalisé avec mon père a été décoré par mon épouse sur un thème de Keith Haring.

Sur les photos reçues, je constate que la machine est magnifique, son seul gros souci est qu'elle n'a jamais été fonctionnelle, le propriétaire n'a jamais eu l'occasion de la faire restaurer au niveau électrotechnique. C'est avec un grand plaisir que je la prends en charge, et à l'arrivée à l'atelier elle est encore plus belle ! Wouah ! La 1ère question qu'on se pose quel était le modèle donneur ? Aha, je laisse chercher le lecteur, quelques indices et la réponse se trouvent à la fin de cette page.

L'intérieur du fronton semble en bon état mais demandera néanmoins pas mal de travail. En effet, comme souvent il faut configurer le transfo en 240V, remettre une batterie déportée, remettre les vis et circlips disparus, rafraichir les soudures des connecteurs, remplacer les résistances de 100kohms claquées dans les afficheurs, recosser quelques connecteurs et remettre des détrompeurs , renforcer quelques liaisons de puissance, remplacer les condensateurs de la carte son, décrasser les sockets de lampes et les ampoules grillées, remplacer les thyristors HS de commande des lampes ...

Je dois reconnecter toutes les brides de terre déconnectées, je ne comprends toujours pas pourquoi tout le monde les démontait alors que c'est un élément de sécurité essentiel.

La carte MPU a démarré de suite, mais après quelques démarrages dans la machine, elle cale après 2 flashes. Problème de lecture de RAM U8 5101. Je renfonce le circuit intégré dans son support avec le doigt et la carte redémarre. Cela prouve néanmoins que les connections ne sont plus fiables, je n'hésite pas et remplace complètement le support oxydé par la batterie.

Le plateau a été complètement démonté et remonté pour réaliser la nouvelle décoration, mais il reste quelques anomalies : quelques soudures froides à refaire, remplacer un support de fusible 5 mm non conforme, décrasser les contacts, recoller "l'assiette" plastique du bumper, remonter la tige de rappel correctement sur la cible tournante ...

Voici ce que donne un plongeur qui n'est pas dans l'axe de la bobine et du fourreau !

Les 2 batteurs sont bien abimés. Un fourreau métallique est complètement usé suite au mauvais alignement du plongeur avec l'axe de la bobine. Je le remplace et réaligne correctement les divers axes. Une biellette a également beaucoup trop de jeu, je la remplace également. Les contacts EOS (fin de course) sont cassés et les lames ont été tordues pour "survivre". Les grains sont fort usés, je suis obligé de les remplacer complètement. Je "remonte" 2 contacts d'occasion mais avec des nouveaux grains tungstène. Après réinstallations et réglages, les batteurs tapent à nouveau comme il faut.

Au dessus, les contacts EOS d'origine, cassés et pliés, et en dessous les contacts reconditionnés avec de nouveaux grains tungstène

L'originalité de cette machine est d'avoir un mécanisme de relance de la bille en cas de sortie amovible. En passant sur certains contacts du plateau avec la bille, un bobine (celle de droite sur la photo) monte le mécanisme entre les batteurs et 2 lampes clignotent pour indiquer que la sortie est protégée. Lorsque la bille échappe aux batteurs et sort, elle active un contact qui déclenche la bobine de renvoi (celle de gauche, mécanisme genre slingshot). Et la bille est automatiquement renvoyée en milieu de plateau, super ! Si le mécanisme n'a pas été activé auparavant, la bille se perd comme d'habitude si elle descend pile-poil entre les 2 batteurs. Avant même de le tester je me rends compte qu'il ne peut pas fonctionner car le contact est fermé par défaut et non à l'arrivée de la bille : la tige d'appui a été remontée du mauvais côté des lames du contact (voir flèche rouge sur la photo, il suffit de placer la tige au-dessus des lames). Après rectification, dès le 1er essai, le système fonctionne parfaitement, super gadget !

Le mécanisme de relance de bille en cas de sortie

La machine fonctionne maintenant à 100% mais un bruit de ronronnement électrique me gêne. Contrairement à ce que je pensais ce bruit de fond ne vient pas de la carte son via le hautparleur, mais du transformateur ! Un bon resserrage des tôles de celui-ci et le démontage de la grille de protection métallique (qui résonne par sympathie !) font disparaitre le défaut.

Il me reste à installer un double contact derrière le bouton de lancement de partie pour le mettre en free play, configurer les règles du jeu avec les dips switches et cette machine exceptionnelle est repartie après une retraite de 20 ans ! Chouette projet.

Ces petits bonhommes qui dansent me font bien rire !
Le magnifique plateau ! Quel travail !

Vues du plateau et d'un début de partie


Histoire de la réalisation de cette machine unique, racontée par son concepteur Jean-Michel G.:

Travailleur socio-culturel dans une « Maison de Jeunes », un des objectifs de nos actions était de privilégier l’autonomie du jeune, sa créativité et de lui montrer que tout est possible si l’on s’en donne la peine. Que l’action est mieux que la consommation. Utiliser la camera (notre atelier vidéo) plutôt que consommer la télévision, parler (notre radio libre) plutôt que d’écouter, voyager (notre voyage en transsibérien Moscou-Pékin, traversée du Sahara en moto, restauration d’un bateau, achat d’un bus londonien, …) pour s’ouvrir sur le monde.

Dans cette perspective, l’introduction du flipper au sein de l’espace des jeunes se devait d’être originale. Pour chaque flipper successif installé (des achats d’occasion) étaient éditées des actions (cent actions par machine) que les jeunes pouvaient acheter. Les gains des mises en jeu étaient ensuite divisés entre les jeunes actionnaires. Outre l’initiation à un modèle économique participatif, un des bénéfices de ce système induisait pour le jeune, le respect du matériel et la responsabilité d’un patrimoine.

Cependant, le flipper restait un objet « commercial » et dans notre perspective éducative, nous devions trouver une astuce pour que l’objet lui-même devienne une appropriation culturelle. Le projet créatif de « re-designer » des flippers s’est imposé : « dépecer » la machine pour se l’approprier. Lui donner une personnalité unique.

Malheureusement, la demande de subvention pour ce projet a été refusée (1994) et surtout, la tâche semblait trop importante pour les jeunes, notamment, sans expérience graphique. Piqué au vif par cet échec, il fallait cependant démontrer que le projet était réalisable. C’est donc à titre privé que le défi a été relevé.

L'art de la peinture n'attend pas les années !

Le choix du flipper fut : « pas cher et pas compliqué ». Nous sommes dans les années 90 et les flippers de l’époque deviennent trop élaborés pour prendre le risque dans une première expérience. Disposant d’un flipper électronique fonctionnant (du début des années 80), le choix est vite fait. Mais quelle thématique pour cette nouvelle décoration ? « Pas trop compliqué et plutôt même minimaliste si possible ». Keith Haring, une icône de la nouvelle figuration s’impose rapidement. Avec son imagerie directe, fraiche, sociale, colorée, le plaisir de la réalisation sera total. À l’époque (1997) pas d’Internet pour trouver l’imagerie inspiratrice. Recours aux livres. Choix de personnages et photocopies de ces derniers. Il faut trouver les bons personnages qui s’ajusteront aux exigences du jeu de la planche. Ensuite, on apporte le sujet papier à des artisans publicistes qui utilisent, pour l’époque, les nouvelles imprimantes de découpe de feuilles de plastic autocollantes. Chaque contour noir de personnage est découpé et juxtaposé à la découpe du même personnage en couleur.

La caisse terminée

C’est un travail fastidieux. En parallèle, démontages et ponçages de la planche, de la caisse, de la tête. Mise en couleur d’un fond neutre afin de faire ressortir au mieux les formes synthétiques des personnages. Le flipper est terminé, mais il ne joue pas encore. Il faudra attendre près de 25 ans et l’expertise du « docteur flipper », Claude Schmit, pour le voir s’illuminer.

A lire : l'article sur le projet dans le magazine anglais "Pinball" en 2000

Le résultat final !

Alors, avez-vous trouvé le modèle de la machine d'origine ? Indices : 4 bumpers passifs, 3 bumpers actifs, un "fer à cheval" ...

Cliquez pour savoir quel modèle de flipper a servi comme donneur pour réaliser cette machine unique !