Schmitronic

Réparations d'appareils électroniques vintage



Réalisation d'un lampemètre

Le besoin

Il y a parfois des hasards amusants. Lors du dépannage d'un lecteur de CDs Philips, j'ai découvert la "lampirisation", c'est-à-dire, le remplacement du préampli d'origine par un préampli à tubes ! Revoir ces bons vieux tubes électroniques en action m'a rappelé de bons souvenirs (J'ai eu mon premier diplôme de monteur radio à tubes à l'âge de 13 ans !). Quelques temps plus tard, une connaissance me signale que le contenu d'un ancien magasin de TV à Bruxelles va être jeté et que si cela m'intéresse je peux récupérer ce que je souhaite. Avec un ami électronicien, nous allons à la découverte de cette caverne d'Alibaba. Et nous ne sommes pas déçus : nous découvrons et récupérons des centaines de tubes de toutes les époques et tailles, des transistors (même des germaniums de puissance !), condensateurs, résistances, boutons, ... un vrai trésor.

Le stock de tubes !

Bon c'est très bien tout cela, mais comment connaitre les caractéristiques réelles de ces tubes si on veut les utiliser dans un projet de "lampirisation" hi-fi ou autre ? A l'époque il existait des lampemètres pour mesurer l'état et la pente de tous les types de tubes ... et qui acceptaient les nombreux types de sockets ! Ce genre d'appareil devient introuvable et cher, et doit être restauré pour être utilisable. Il existe également d'autres appareils modernes mais ils sont trop sophistiqués, mon besoin est plus simple et précis. Je me dis qu'il ne doit pas être si compliqué de faire une petit banc de tests ...

Cette page est assez technique et je ne vais pas pouvoir faire un cours sur les triodes, d'autres l'ont fait avant moi et bien mieux que moi. Je renvoie donc le lecteur vers les très nombreux sites existants.

Spécifications

J'imagine les spécifications suivantes :

Réalisation de la platine de base

Je dessine un petit schéma (voir plus loin) et prends une plaque de plexiglas comme support et commence à monter tout cela. Je monte des prises bananes pour les connexions extérieures (alimentations et instruments de mesures), un support noval et les 9 bornes de connexions, un sélecteur 4 positions pour choisir la tension à mesurer par l'unique voltmètre, un sélecteur à 6 positions pour choisir 5 résistances d'anode (Ra) et le mode "mesure de pente" (Ra=0). Il y a encore 2 bornes RCA-Cinch pour l'entrée et la sortie AC audio qu'on pourra mesurer à l'oscilloscope pour calculer le gain. Chaque alimentation comporte un fusible et un interrupteur. 

Le lampemètre expérimental sur châssis en plexiglas

Alimentation filament (Vf)

Pour l'alimentation filament, j'utilise mon alimentation de laboratoire réglable de 0 à 15V. Cela permettra d'alimenter les tubes Exx/6xx de 6,3V et Exx/12xx 12,6V, mais aussi les tubes TV Pxx.

Une petite explication sur la différence entre les tubes classiques et les tubes TV me semble indispensable ici et a son importance pour la suite. Comme il y avait besoin de beaucoup de tubes dans une TV, alimenter les filaments en parallèle en 6,3V aurait demandé un important courant et donc un gros et coûteux transformateur. Alors la série Pxx a été inventée car elle a particularité que le filament prend toujours 300mA et donc que ces tubes peuvent être connectés en série. Et vu le nombre de tubes dans une TV (entre 20 et 30 !), on pouvait les alimenter directement avec la tension secteur ! On économisait ainsi le transformateur. Évidemment en cas de rupture d'un seul filament, tout s'éteignait, et c'était un petit jeu de piste pour trouver le tube défectueux, mais il suffisait des les remplacer un à un jusqu'à ce que cela refonctionne, facile. Maintenant la vraie question : le design était fait pour quelle tension, 110V ou 220V ? A vérifier, mais il est fort probable que le transformateur principal comportait 2 enroulements 110V primaires, câblés en parallèle pour connecter au secteur 110V et câblés en série pour le secteur 220V, et ainsi tous les enroulements secondaires donnaient toujours les mêmes tensions.

Bref, la tension filament est néanmoins précisée dans les datasheets et suivant le type de tube, on a 3,8V, 9V, 15V, ... Donc même si les tubes TV sont décriés par certains pour un usage audio, je suis convaincu qu'ils sont tout aussi bons, et comme il faudra de toutes façons toujours faire des designs adhoc, une alimentation réglable pour n'importe quel tube est facilement réalisable. Un des buts de mon projet est également de prouver que les tubes TV sont intéressants. Evidemment pour un design avec plusieurs tubes Pxx de tensions filaments différentes, il faudra les connecter à nouveau en série et réaliser une alimentation de la tension globale à fournir.

Afin de pouvoir ajuster la tension avant d'alimenter réellement le tube, j'ai affecté une position de mon sélecteur pour lire sur mon voltmètre la tension avant l'interrupteur "filament" monté sur mon lampemètre. Il y a également un petit fusible de 500mA.

Alimentation haute tension (B+)

Pour l'alimentation haute tension, c'est un peu plus compliqué. J'ai un transfo d'isolement 1:1, mais avec 235VAC au secondaire, après redressement et filtrage, je vais me retrouver avec 330VDC. OK, mais j'aimerais aussi avoir des tensions plus basses. Le transfo a une position 400VAC au primaire (prévu pour alimentation entre phases en triphasé 380V), donc en alimentant cette borne en 235VAC, je retrouve 138VAC au secondaire ce qui donnera 195VDC, parfait. Je monte un petit boitier avec un pont de diode (1000V/1A), un condensateur (350µF/350V), un fusible et une résistance de décharge. Plus tard pour être plus souple, je connecterai en amont un autotransformateur réglable et remettrai le transfo d'isolement en 235-235V, ce qui me permettra de régler très précisément la haute tension entre 0 et 350VDC.

Alimentation de grille (Vg)

Et il faut encore une 3ème alimentation pour la tension de grille, oh combien importante. Afin d'éviter l'ajout d'une alimentation supplémentaire, il existe un circuit classique qui permet de rendre la grille négative par rapport à la cathode : il suffit d'insérer une résistance variable dans le circuit de cathode (Rk). En effet, le courant d'anode (Ia) traverse cette résistance pour rejoindre la masse, provoquant une tension à ses bornes, ce qui rend la cathode plus positive par rapport à la grille qui reste à la masse (même avec Rg et Ri, car comme le courant de grille est toujours nul, il n'y a pas de chute de tension sur les résistances et on est donc bien au potentiel 0V). Et donc, même à la masse, la grille est bel et bien négative par rapport à la cathode ! Joli ! En augmentant la résistance de cathode on augmente bien la "négativité" de la grille.

Schéma ampli de base en "cathode commune"

Néanmoins, aussi élégante que soit cette solution dite "en cathode commune", très utilisée dans tous les circuits, elle s'est avérée inadéquate dans le lampemètre. D'abord parce qu'en mode de mesure statique de pente il n'y a pas de résistance d'anode, ce qui n'est pas le design en cathode commune et perturbe le fonctionnement. La résistance de cathode doit être variable pour pouvoir déterminer la tension de grille voulue, et de ce fait la tension d'anode varie également, ce qui de facto provoque une petite contreréaction peu propice à des mesures correctes. J'ai donc été obligé de prévoir une 3ème alimentation autonome réglable pour fixer la tension de grille. Vu qu'il n'y a jamais aucun courant de grille et que la tension demandée est faible, une pile suffit. J'ai d'abord opté pour une pile de 9V sur un potentiomètre de grande résistance, mais comme on n'a besoin que d'une tension réglable de 0 à -3V, une batterie lithium suffit amplement. Un interrupteur évite que la batterie ne se décharge dans le potentiomètre quand l'appareil n'est pas utilisé. En cas d'oubli, il ne me restera qu'à recharger la batterie ... L'interrupteur sert également à éliminer totalement la grille pour réaliser des tests de tubes diodes.

Appareils de mesures

Au niveau des mesures de tensions, il faut d'abord un voltmètre pour la tension filament (max 15V), la tension de grille (max -10V), la haute tension B+ (max 350V) et la tension d'anode (max 300V). Pour le courant d'anode, logiquement il faut un ampèremètre (max 50mA). Mais j'ai toujours un peu du mal avec un instrument inséré au milieu du circuit. Je préfère opter pour l'insertion d'une résistance de 1.000 ohms, sur laquelle je mesure la tension avec un voltmètre, comme cela le circuit n'est jamais interrompu. La conversion est simple : 1V = 1mA.

Je pensais utiliser des petits voltmètres de panneaux vendus pour quelques euros, mais c'est impossible ici pour 2 raisons :

Donc, je vais utiliser mes multimètres. Des essais avec mon vieux multimètre analogique à aiguille sont sympas car on voit bien le courant se mettre en place à l'échauffement, mais il faut changer manuellement la gamme de mesure et la précision laisse à désirer. Donc j'opte pour 2 multimètres digitaux auto ajustables et bien plus précis.

En cours de développement, avec alimentations et appareils de mesures

Schéma et procédure

Alors, comment cela fonctionne-t-il et comment va-t-on l'utiliser ? Le principe est de créer un petit ampli en classe A avec une triode et de mesurer une série de valeurs de tension et de courant et faire quelques calculs simples pour obtenir les caractéristiques réelles du tube en test, par rapport aux données constructeurs. Le schéma ci-dessous permet de voir la simplicité du circuit. En mode statique, il suffit d'alimenter le filament (Vf) et le circuit d'anode (B+), de déterminer une tension de grille (Vg) et une résistance d'anode (Ra), et de mesurer le courant (Ia) et la tension (Va) d'anode. En mode dynamique, il suffit d'appliquer un signal sinusoïdal à la grille (via un filtre CR) et de mesurer le signal en sortie (via un autre filtre CR) à l'oscilloscope. Voir la procédure détaillée et les exemples plus bas.

Schéma théorique de test d'une triode

Le schéma pratique réel ci-dessous est constitué de plusieurs circuits partiels, connectables par de petites fiches et prises.

Schéma complet et détaillé de la version finale du lampemètre

 En partant du bas à gauche et en tournant dans le sens horlogique :

  1. Le socket de lampe noval avec les 9 prises pour y connecter les fiches des autres circuits
  2. Le circuit filament permet le raccordement de l'alimentation de laboratoire réglable, comporte une dérivation (Vf) vers le sélecteur de tensions, un interrupteur, un fusible 600mA et se termine sur un fil vert (couleur standard des alimentations filaments) avec sa fiche qui permet la connexion à l'une des 9 bornes du tube
  3. Le circuit de grille se compose de 2 branches :
    • une batterie fournit une tension continue de -3,7V sur un interrupteur puis un potentiomètre dont la sortie passe via une résistance (pour ne pas mettre l'impédance d'entrée à 0 ohm lorsque le curseur du potentiomètre est à 0V). Cette tension de grille est disponible sur le fil gris (gris = grille !) avec sa fiche
    • le signal audio d'entrée passe via un condensateur et une résistance puis se superpose à la tension continue de grille. Il y a encore une dérivation (Vg) vers le sélecteur de tensions
  4. Le circuit d'anode constitué de 5 parties :
    • une dérivation (VB+) vers le sélecteur de tension, un interrupteur, un fusible de 60mA
    • un réseau de 5 résistances et 1 liaison directe vers un sélecteur à 6 positions, qui permet d'insérer une valeur de résistance d'anode, au choix, de valeurs types entre quelques kohms et plus de 100kohms (j'ai choisi 8,2k - 12k - 34k - 84k - 118k), les valeurs précises choisies n'ont pas d'importance, elles doivent juste couvrir la gamme normale de ce genre de circuits (10k-100kohms), mais elles doivent être mesurées précisément, car les valeurs vont être utilisées dans les calculs. Sur le plan j'ai indiqué la valeur de la résistance totale Ra à utiliser dans les calculs =  résistance sélectionnée + shunt de 1k. La 6ème position est une liaison directe qui élimine la résistance d'anode (Ra=0 ohm), cette position est utile pour connecter le tube en mode de mesure de pente statique
    • à la sortie du sélecteur se trouve une résistance shunt de très exactement 1kohms. Un voltmètre aux bornes du shunt mesurera donc 1V par mA de courant d'anode. Comme expliqué plus haut, un ampèremètre pourrait être inséré directement dans le circuit, donc sans la résistance de shunt. Mais j'évite les mesures directes de courant, c'est toujours délicat, au contraire des mesures de tension
    • une dérivation (Va) vers le sélecteur de tensions et un fil rouge avec sa fiche
    • une sortie audio via un condensateur (1000v !) pour l'isolation continue et une résistance de charge pour fixer l'impédance AC
  5. Un fil noir relié à la masse et sa fiche pour terminer le circuit d'alimentation du filament. De même qu'un fil bleu relié également à la masse et sa fiche pour connecter la cathode
  6. Un sélecteur à 4 positions qui permet de déterminer la tension à mesurer au voltmètre : Vf, Vg, VB+ ou Va

Le résultat est visible ci-dessous avec les 2 voltmètres en action sur une ECC81 (si je me rappelle bien ...). Une tension de grille de -1V avec une résistance d'anode Ra de 35kohms donne 2,9 mA de courant d'anode.

Setup final, avec Vg généré par batterie lithium 3,7V ! Vg=-1V et Ia=2,88mA

Procédures de mesures

En pratique, par exemple pour tester et mesurer une double triode classique genre ECC81, il faut imprimer la datasheet, monter le tube sur le support noval du lampemètre, et, avec le brochage trouvé dans la datasheet, et pour la triode n°1, connecter les 5 fiches sur les bonnes bornes. La tension d'anode  (rouge) est sur la borne 1, la tension de grille (gris) en 2, la cathode (bleue) en 3, la tension de filament (vert et noir) en 4 et 5, et c'est tout ! Pour mesurer la triode n°2, il faudra couper tout puis tout rebrancher autrement, sauf les bornes 4 et 5 du filament commun. Donc 3 fils à changer, facile.

Brochage noval d'une double triode ECC81

Il faut d'abord couper les interrupteurs, allumer les alimentations, mettre le sélecteur de tension sur Vf et régler la tension à 12,6V. L'appareil est prêt à faire plusieurs tests et mesures.

Mesure 1 : courant d'anode (Ia)

Caractéristiques statiques d'une ECC81 trouvées dans la datasheet

Régler le sélecteur de tension sur B+ et ajuster la tension à 100V. Mettre le sélecteur de résistance d'anode à 0 ohm (= mode mesure de pente). Régler le potentiomètre de tension de grille à -3,7V. Il est enfin temps d'activer les 3 interrupteurs, la lampe émet un petite lueur orange et chauffe. Après quelques secondes, le courant d'anode peut s'amorcer, mais n'est pas encore mesurable car la tension de grille est trop basse. Mettre le sélecteur de tension sur Vg, ajuster grossièrement le potentiomètre de grille à -1V sur base de l'étiquette, et l'ajuster finement par lecture du voltmètre. 

Sur l'ampèremètre (en fait le voltmètre sur shunt), il faudrait lire 3mA d'après le datasheet. Sur ce tube choisi au hasard je mesure 2,3mA sur la triode n°1 et 2,9mA sur la triode n°2. C'est moins que prévu, mais c'est le bon ordre de grandeur, le tube a vieilli mais fonctionne. Évidemment, il ne semble pas souhaitable de l'utiliser dans un préampli stéréo, puisque les courants de repos sont trop différents entre les 2 triodes du tube (et les pentes S et facteur d'amplification µ seront différents également).

Mesure 2 : pente statique (S= slope)

La pente statique est une caractéristique intrinsèque au tube, elle représente la variation de courant d'anode pour une variation de tension de grille et s'exprime en mA/V. Une fois le courant d'anode mesuré comme expliqué ci-dessus, il ne faut rien changer au circuit et simplement modifier la tension de grille de 1V en + ou - et de remesurer le nouveau courant d'anode. Ensuite il suffit de faire la différence entre les 2 courants d'anode pour obtenir la pente statique ! Exemple : si Vg= -1V et Ia= 3mA, puis Vg= -2V et Ia= 1mA, alors la pente est de 2mA/V (3mA - 1mA). C'est très simple finalement. Sauf que suivant les valeurs de tensions de grille choisies, la pente va beaucoup varier. Voir les courbes de transferts et les tableaux détaillés ci-dessous. De la pente on peut déduire, par calcul (voir tableau des formules) ou par les données du constructeur, la résistance interne du tube (Ri) au point de fonctionnement, ainsi que le facteur d'amplification (µ). Le facteur d'amplification exprime la variation de tension d'anode par rapport à la variation de tension de grille (Va/Vg). Cette valeur théorique est utile lors d'un design quel déterminer quel tube choisir, µ vaut de 5 à 100 pour des triodes, mais monte très haut, à plusieurs milliers, pour des pentodes !

Mesure 3 : pente dynamique (Sd)

La pente dynamique est similaire à la pente statique mais est mesurée dans un circuit réel utile (ampli classe A) : donc avec une résistance d'anode, sa valeur est toujours inférieure à la pente statique. Voir l'explication ci-dessous. 

Différence entre pente statique et pente dynamique

Pour la mesurer, il suffit de commuter sur une résistance d'anode Ra non nulle et de refaire la mesure 2 de pente. Voir résultats (Sd = dynamic slope) sur les tableaux ci-dessous.

Mesure 4 : gain dynamique (G) ampli classe A

Alors que le facteur d'amplification µ est le gain intrinsèque théorique en tension d'un type de tube, le gain dynamique est le vrai gain utile dans un circuit réel. Pour le mesurer avec mon lampemètre, avec une résistance d'anode sélectionnée, on injecte un signal sinusoïdal de 1kHz et de 1mVpp à l'entrée du circuit de grille, et on mesure la tension pp à la sortie d'anode avec un oscilloscope. Des condensateurs de quelques NF mais de 1000V empêchent toute tension continue de quitter l'appareil ! Avec 1mVpp en entrée et 60mVpp en sortie j'ai donc un gain dynamique de 60. De même avec 1V en entrée et 80V en sortie, j'ai un gain de 80, facile. En variant la résistance d'anode et la tension de grille, je peux changer le point de fonctionnement du tube et vérifier le gain à cet endroit. Attention toutefois de ne pas s'aventurer dans la zone de puissance maximum, car le tube et la résistance d'anode pourraient en souffrir, voire se détruire. Les courbes constructeurs sont très utiles pour voir où l'on se trouve, il suffit d'y indiquer la résistance de charge Ra. Voir tableaux et courbes ci-dessous.

Voilà expliquée brièvement les possibilités de mon petit lampemètre.

Résultats des tests et des mesures

Et voici les résultats détaillés obtenus sur une double triode ECC81. Il serait fastidieux d'afficher tous mes autres tests réalisés sur d'autres types de tubes, néanmoins, les mesures et graphes détaillés pour les ECC81, ECC82, PCC85, PCF80-Triode, PCF80-Pentode se trouvent dans ce fichier Excel. Les abréviations et formules utilisées sont décrites ici :

Formules de calcul de schémas à triode

L'objectif est de comparer le point de fonctionnement réel des 2 triodes d'un tube par rapport aux spécifications du constructeur (colonne "Manuf"). Pour une tension d'anode Va de 100V et une tension de grille Vg de -1V, le courant d'anode Ia devrait être de 3 mA. Sur la triode n°1 je mesure 2,3 mA et pour la triode n°2 je trouve 2,9 mA. On est donc à -23% de la valeur nominale pour la triode n°1 et à -3% pour la triode n°2, pertes sans doute dues à l'âge du composant (~50 ans), mais très différentes entre les 2 triodes du même tube ! Des mesures sur d'autres exemplaires de ce modèle de tube donnent des résultats similaires. Donc, la mesure semble importante pour faire le bon choix. Un autre point de fonctionnement à Va=170V est également mesuré pour la triode n°1 : je mesure 6,7 mA au lieu des 8,5 mA attendus, soit une chute de 21%.

Je mesure le courant d'anode pour des tensions de grille de 0V et -2V et calcule la pente S = (7,1-2,3)/(0-1) = 4,8 mA/V. La pente mesurée 4,8 est plus importante que la pente constructeur 3,8 ! C'est logique, car la courbe "monte plus vite" en allant de -1V à 0V que de -2V à -1V, on est dans une partie fortement non linéaire. D'ailleurs le calcul de pente en partant de -2V donne  S = (2,3-0,6/(2-1) = 1,8, très en deçà des 3,8 attendus. Ces écarts importants seraient éliminés et la mesure plus correcte si l'on faisait la mesure entre -1,1V et -0,9 V. D'ailleurs si l'on fait la mesure et le calcul sur la courbe à Va=170V, beaucoup plus linéaire, on trouve une pente de 6,1 pour une valeur attendue de 5,9, ce qui prouve bien que le tube, l'appareil et la méthode sont corrects.

Les valeurs vertes et oranges du tableau sont reproduites ci-dessous sur les courbes types des datasheets. La courbe verte colle très bien aux spécifications d'origine, la rouge un peu moins, elle est décalée vers le bas.

Mesures statiques double triode ECC81/12AT7

Après insertion d'une résistance d'anode de 35kohms, on est en mode amplification dynamique classe A et on compare toujours les valeurs mesurées aux spécifications recommandées par le constructeur. Avec B+ à 200V et Vg à -1V, on obtient un gain dynamique G de 42 et 39 sur les 2 triodes, pour une valeur attendue de 41,5 ! On est entre 1% et 6%, c'est très très bon ! Conclusion : même si les caractéristiques statiques sont différentes, en travail réel, ces différences influent beaucoup moins. Est-ce que les prix exorbitants demandés pour acheter des tubes testés et appairés en mode statique sont vraiment justifiés ? Sans doute que non, puisqu'en environnement réel les performances sont quasi les mêmes ! Encore un bon filon pour abuser les "mystiques". La droite de charge de la résistance d'anode de 33kohms et le point de fonctionnement sont dessinés en rouge sur les courbes. Et on voit qu'on est très loin de la zone de puissance maximum du tube, il travaille donc "à l'aise", mais on n'est pas non plus dans la partie la plus linéaire. Cet ampli est adapté pour de petits signaux uniquement.

Mesures dynamiques double triode ECC81/12AT7

J'ai ensuite testé les autres double triodes audios classiques ECC82 et ECC83, mais aussi des triodes TV équivalentes PCC85 et PCF80, et même la partie pentode de la PCF80. Voir fichier Excel déjà mentionné plus haut. Les résultats sont :

Comme expliqué plus haut, les tubes TV ont été conçus pour être alimentés différemment au niveau filament pour des raisons économiques. De plus, ils sont prévus pour travailler à de beaucoup plus hautes fréquences (UHF = 800MHz) que l'audio (max 20kHz !), mais cela ne pose aucun problème, au contraire "qui peut le plus, peut le moins" ! Mes mesures confirment leur excellent fonctionnement, voir tableau ci-dessous et fichier. Le gain G mesuré est de très exactement 32,0 sur les 2 triodes, à comparer au gain annoncé de 33,1 ! CQFD. Vive les tubes TV dans les designs audios !

Mesures statiques d'une double triode TV

Et je ne suis manifestement pas le seul à aimer les tubes TV :

https://hackaday.com/2012/12/16/beautiful-tube-amp-uses-a-tv-tube/

http://www.glowinthedarkaudio.com/nikolov-se6cu6.html

Conclusion

Voilà un outil simple, efficace et complet qui va être bien pratique pour tester et mesurer les caractéristiques des tubes lorsque j'aurai de nouveaux projets et réparations audios à tubes.

Si des tubes avec d'autres sockets doivent être testés, il est possible de fabriquer d'autres adaptateurs qui se posent par dessus le socket noval existant.

Je n'ai pas réalisé de tests de tubes diodes, ce sera pour plus tard si le besoin s'en fait sentir. Je n'ai testé qu'une pentode, cela fonctionne, mais comme le réglage de la tension de grille n°2 est plus complexe, il doit être calculé et une résistance ajoutée, j'en suis resté là pour l'instant. Il faut aussi parfois savoir s'arrêter ...

Il resterait encore à écouter le résultat, mais il faut être prudent. Cet ampli à un étage est simple mais performant, il est hors de question de connecter la sortie directement à une entrée d'amplificateur ou à un petit haut-parleur. En effet, un signal audio de 1V en entrée peut très facilement donner 100V en sortie ! Il faut donc calculer et monter un transformateur ou un pont résistif pour maitriser le niveau du signal et de l'impédance de sortie.

Pour finir, voici encore 2 informations très intéressantes obtenues suite à mes expérimentations dans le cadre de ce projet.

Evaluation de distorsion harmonique et comparaison entre amplis à tubes et à transistors

Eternel débat entre audiophiles "mystiques" et autres déjà abordé dans ma page sur un lecteur de CD "lampirisé". Une différence tangible (=objective !) est que la non-linéarité douce des courbes des tubes (triodes, pas pentodes) entraine une distorsion formée d'harmoniques paires (et un petit effet très efficace de compression), tandis que lorsque un transistor ou un ampli op tape le rail d'alimentation dans les sons impulsifs, il y a écrêtage, la distorsion est de courte durée mais agressive et est constituée d'harmoniques impaires. Et ? Et bien, les harmoniques paires des tubes sont agréables, rondes et chaudes à l'oreille tandis que les harmoniques impaires des transistors sont dures, métalliques et fatiguantes à l'oreille ... Voir cette bonne discussion sur le sujet "5. La chaleur d'un son" et une analyse plus technique ici.

La mise au point de mon lampemètre est la bonne occasion de vérifier cette théorie sur les harmoniques paires et impaires. Le 1er spectrogramme ci-dessous montre la fondamentale (sinus 1kHz) et les harmoniques générées par une triode montée en amplificateur classe A. Les harmoniques sont toutes présentes et décroissent linéairement, la 2ème et plus importantes que la 3ème, donc la 1ère harmonique paire est bien prédominante. 

Spectrogramme ampli à tubes (triode classe A) : prédominance harmoniques paires

Le spectrogramme suivant ci-dessous est celui de la sortie d'un ampli à transistors du même signal. On voit nettement que les harmoniques impaires 3H et 5H ont un niveau plus important que les harmoniques paires 2H et 4H. CQFD.

Spectrogramme ampli à transistors : prédominance harmoniques impaires

Méthode de design et de calcul d'un étage amplificateur à triode en classe A

Ok, tout cela est bien beau mais comment fait-on en pratique pour définir et calculer un ampli dans la vie réelle ? Ce site donne une méthode simple, universelle et efficace que j'ai résumée et traduite :

Voilà pour les triodes, c'est assez simple. Alors que faire le design d'un ampli de puissance classe B avec 2 pentodes en push-pull est une autre paire de manches ...