Schmitronic

Réparations d'appareils électroniques vintage



Restauration d'un flipper Bally The Addams Family de 1992

Arrive un Addams Family ! Whoah ! Classé 8ème meilleur flipper de tous les temps. En tous cas, c'est le modèle le plus produit dans l'histoire du flipper : plus de 20.000 exemplaires ! Lire les détails de cette machine ici. Mais le dépannage commence mal, la clé fournie n'est pas la bonne : je dois crocheter la serrure pour accéder à l'électronique à arrière du fronton ! Pas de souci, mon kit "Arsène Lupin"  me permet de vite l'ouvrir sans rien abimer !

Image de la face avant du fronton ...
... et de arrière : il y a du monde !

Les LEDs sur toutes les cartes indiquent que la machine démarre et fonctionne correctement. Par contre comme annoncé, l'écran dot matrix ne fonctionne pas. Les alimentations sont OK alors j'échange l'écran avec une machine Indiana Jones en cours de restauration que j'ai à l'atelier et qui provient du même propriétaire. Et j'ai la confirmation que c'est la platine dot matrix qui est bien HS. A commander donc.

Dot matrix de l'Indiana Jones monté sur l'Addams Family. Beau design typographique !
Détails du haut du plateau

Un fil de la matrice de contacts s'était débranché et a été remonté à la 6-4-2 sur un bout de connecteur découpé et enfiché sur le connecteur voisin (parallèle à l'autre). Un message imprimé est même agrafé pour indiquer le bon placement ! Il me suffit de simplement ressertir le fil dans la fiche originale pour éliminer tout ce brol.

Affiche agrafée à l'intérieur pour expliquer la position du connecteur récupéré pour connecter un fil

En vérifiant les lampes, je trouve un circuit de 3 ampoules flashes en parallèle, un socket est cassé, une ampoule manque et l'ampoule restante s'allume en permanence ! Sans surprise, le transistor de commande, un TIP102 (Q38), est HS.  Piloter 3 ampoules flashes est de trop pour un seul transistor, je démonte définitivement le socket cassé et installe correctement 2 ampoules flashes, la puissance de l'effet est amplement suffisant !

Le batteur du bas à gauche vibre, c'est le symptôme typique de la bobine de maintien qui est coupée. En y regardant de très près je repère la cassure du fil près de la cosse et le ressoude. Un autre faux contact, vite éliminé, se trouve entre un support et son fusible dans un des circuits de l'illumination générale.

Le self test à l'allumage indique le message d'erreur : "Vérifier F5 coupure flipper H/D". La documentation indique que F5 est le contact de fin de course du flipper en haut à droite (= H/D). De fait, la lame longue est cassée, donc le contact est bien ouvert en permanence.  Je remplace la lame cassée, le contact fonctionne à nouveau et est bien détecté lors des tests des contacts. Mais bizarrement le message d'erreur au self test d'allumage apparait toujours. Après quelques allumages et parties, finalement le message disparait tout seul ! Marrant ça que ce diagnostic mette un peu de temps à disparaitre. Bon à savoir, mais c'est troublant pour un dépanneur de devoir attendre la confirmation de son intervention.

Vue d'ensemble du plateau

La machine semble OK. En testant les règles du jeu, je découvre que la machine est dotée d'une soi-disant "intelligence artificielle" (dixit le manuel !) qui prend la main dans certaines conditions et joue elle-même avec le petit batteur du haut à gauche pour envoyer la bille dans le trou en face ! Et que le machine s'améliore continuellement (elle apprend !) et finit par réussir beaucoup plus souvent qu'un joueur expert (60% contre 20%) ! Or à l'essai, ça ne marche pas du tout, il n'y a aucune réaction du batteur au passage de la bille ... Ah non, cette fonction me semble trop intéressante, je veux voir ça !

Comment est-ce que cela fonctionne ? La bille arrive du haut (du cimetière des bumpers), elle est ralentie par une chicane, puis passe devant (coupe) une barrière infrarouge (IR) toujours à la même vitesse lente, c'est le top départ pour le logiciel. Le système attend un court délai, puis déclenche le batteur avec une certaine puissance. Si la bille rate le trou visé, alors aucun contact n'est fermé et le système sait qu'il a raté son tir. A chaque essai suivant, le logiciel attend un délai différent et/ou frappe la bille avec une puissance différente. La machine modifiera lentement ces 2 paramètres jusqu'à ce que la bille file tout droit dans le trou. Et alors le système détectera le contact fermé par la bille tombée dans le trou, elle saura qu'elle a réussi et conservera ce bon réglage pour, en principe, réussir les tirs suivants quasi à chaque fois ! C'est loin d'être de l'intelligence artificielle, mais c'est un bel exercice de régulation, les informaticiens ont bien dû s'amuser à développer ce logiciel !

De suite je soupçonne la barrière IR de ne pas fonctionner et donc de ne pas fournir le top départ. La procédure des tests des contacts me le confirme. A l'œil nu on ne peut pas "voir" si la LED IR fonctionne, mais l'appareil photo de mon téléphone portable, oui. Il "voit" l'IR et me le montre avec un beau halo violet sur l'écran, c'est quand même bien pratique ces smartphones. Par expérience, je me doute que, comme pour les photo-diodes (voir Independance Day), c'est le photo-transistor qui a vieilli. Je le démonte et mesure la tension aux bornes, qui devrait varier entre 0V et quelques centaines de mV si on le place à la lumière, mais rien ne bouge, il semble bien HS. Malheureusement je n'ai pas ce type de composant en stock ... Sauf que le hasard fait que j'ai toujours cet Indiana Jones à l'atelier (qui a déjà fourni le dot display) et que le propriétaire, qui est celui des 2 machines, avait eu des soucis de barrière IR et avait acheté une plaque de remplacement ... et l'ancienne se trouve encore dans le fond de la caisse. Pour son magasin à 6 (!) billes l'Indiana Jones utilise 7 barrières IR, donc je n'ai que l'embarras du choix pour prendre un photo-transistor sur cette ancienne carte. Et évidemment après remplacement, ça marche !

Verdict : on voit très bien que le système modifie graduellement ses paramètres, la bille file trop haut ou trop bas, et s'approche quand même de plus en plus du trou, mais il a besoin de beaucoup d'essais et rate encore souvent. Le manuel indique qu'une fois la machine placée, il faut une centaine de tirs pour atteindre un taux de réussite acceptable. Et que si on déplace le flipper il faut faire un reset des paramètres. On peut accélérer le processus d'apprentissage en enlevant la vitre et en lui faisant faire des essais en continu ! Pas mal quand même.

Flèche verte = LED IR émetrice, ligne blanche = rayon IR, flèche rouge = photo-transistor récepteur

Il reste encore un message à l'allumage : "Vérifier U6 checksum error". U6 est la mémoire EPROM de jeu, une 27C020 (256 x 8bytes = 2 Mbits). La cause probable est soit un faux contact dans le socket de l'IC ou soit l'EPROM défectueuse. A tout hasard, je repousse l'IC dans son socket, mais cela ne change rien. Comme je n'ai pas ce type d'EPROM dans mon stock et que la machine fonctionne parfaitement, je laisse le tout en place. Au moindre plantage, il faudra néanmoins la remplacer.

Quelle machine fascinante ! Je comprends qu'elle ait tant de succès et soit si bien classée :

Et quel souci du détail : en fin de bille et de partie le générique musical de la vieille série TV est joué et se termine par les 2 fameux claquements de doigts, et de temps en temps les 2 batteurs se lèvent également tout seuls et en cadence avec la musique : clac-clac ! Mort de rire, trop fort, du grand art ! Et le plus dingue est que le manuel explique qu'il existe une option (disponible en France uniquement) pour couper les batteurs entre la perte de la bille et son retour pour empêcher les joueurs d'accompagner eux-mêmes la musique avec les 2 clacs-clacs. Le prétexte est d'éviter l'usure des batteurs, alors que le système le fait lui-même de temps en temps ! Ahahaha !

Courte vidéo avec les effets autoflipper, multibilles et magnets