Schmitronic

Réparations d'appareils électroniques vintage



Réparation d'un juke-box NSM Festival ES160 de 1978

Les machines NSM défilent ces derniers temps, voici qu'arrive l'épave d'un Festival ES160. Il est imposant et nettement moins élégant que les Prestige 120B et E120.

Un peu lourdaud, non ?

Alimentations et erreurs

Cette machine est de la génération ES, à ne pas confondre avec la génération ES II. Les schémas et manuels ne se trouvent pas sur internet, je suis bien obligé de l'acheter ... Après les vérifications de base (terre, haut-parleurs, fusibles, ...), j'allume, la machine fait du bruit et affiche "Err" sur les 3 premiers digits. Le boitier contrôle et ampli semble bien fait, chaque alimentation possède une LED pour indiquer son bon fonctionnement, or la LED de l'alim +16V reste éteinte. Le régulateur est bouillant, ça sent le court-circuit en aval ! Je dépose le boitier, et au lieu de trouver logiquement un régulateur 7815, je vois un 7908 ! Hein ? C'est quoi ce bordel ? Quelqu'un a monté un régulateur -8V au lieu d'un +16V ! Cela ne risque pas de fonctionner ! Je mesure bien un court-circuit en aval du circuit, je vois un petit condensateur de filtrage au tantale, composant réputé pour créer des court-circuits sans prévenir ! De fait, il est clairement HS et vite remplacé, ainsi que le régulateur et tout rentre dans l'ordre, la LED +16V se rallume gaiement ! En regardant le mauvais régulateur, je devine ce qui s'est sans doute  passé, il y a 2 indications : 7908 et ... 2815, ce qui n'est pas loin de 7815 et a pu induire en erreur !

Régulateur 7908 (-8V) avec indication additionnelle 2815 qui induit en erreur ...

Toutes les alimentations sont bonnes et à l'allumage, la machine affiche le message "Err" ... dans le manuel, "Err_1" et "Err_2" indiquent un souci sur la carte microprocesseur, "Err_C" indique un problème de monnayeur. Or moi j'ai "Err" ! Un cas non documenté ? Non je soupçonne que le dernier des 5 digits ne fonctionne pas. Avec le schéma, je détecte la ligne qui active ce digit et en mesure la continuité bêtement à l'ohmmètre. A un moment le signal passe d'une face à l'autre grâce à un "via", un pont électrique à travers un trou dans le circuit imprimé. Il n'y a pas de contact ! Comment a-t-il pu disparaitre ? J'y ressoude un petit bout de fil et hop le dernier digit s'illumine et affiche un C !

Pont de liaison "via" en cours de réparation

J'ai donc un problème de monnayeur, celui-ci n'est pas à contacts, mais à transistors photosensibles illuminés par des LEDs infrarouge. Lorsque je débranche le monnayeur, j'ai toujours le même message "Err_C", donc il est bien HS. Le hasard fait que j'ai un autre modèle de jukebox NSM en ce moment à l'atelier ... qui est équipé d'un monnayeur photosensible également ! Aussitôt pensé, aussitôt testé : ça marche !

Le phonographe se déplace et déclenche à la bonne sélection, mais la brosse coince le bras de lecture, la poupée disque n'embraye pas et ne tourne pas, et le chariot du bras ne passe pas de face A à face B. Je dépose et démonte le phonographe, il me faudra beaucoup d'essence de lavage et de coups au chasse-goupille pour dégripper les 3 paliers mobiles englués sur leurs axes. Heureusement que j'ai les vues éclatées du mécanisme pour comprendre le fonctionnement et comment démonter facilement.

S'en suit une série d'opérations de maintenance courante : contrôle des contacts des relais, remplacements de quelques cosses "trafiquées" dans des connecteurs et d'ampoules claquées, rafraichir des soudures, ...

Ampli et commande de volume

Un canal de l'ampli ne fonctionne pas, c'est la 1ère fois que je le vois, mais je le connais. En effet , un ami expérimenté dans le dépannage d'ampli audio m'a fait découvrir le schéma de l'étonnant design de cet ampli. La commande de volume ne se fait pas avec un bête potentiomètre comme d'habitude, mais avec tout un circuit de contrôle en tension, donc on a un genre de VCA (voltage controlled amplifier) comme dans les synthétiseurs musicaux ! Je vérifie déjà les potentiomètres linéaires de volume, oups de tension ... qu'on peut coupler ou pas, en retournant le curseur, astucieux !

En retournant un des 2 boutons de volume on peut les coupler ou non !

Mon ami me prévient qu'il a beaucoup galéré avec le transistor de régulation qui claque souvent, mais donne l'impression que le circuit fonctionne. Il m'explique qu'au lieu de 21V quand T103 est OK, on a encore une dizaine de volts lorsqu'il est HS, le préampli fonctionne toujours mais pas le circuit de commande de volume ! Vicieux. Donc ses informations me font gagner un temps fou, car je regarde de suite à ce pauvre petit T103 BC337 ... qui est claqué ! Il a bien chauffé car, le condensateur située au dessus est tout noir, ainsi que le circuit imprimé autour des 3 pattes du transistor. Le BC337 supporte max 800mA sous 50V, et il reçoit 48V au collecteur et doit donner 21,5V à l'émetteur, ça fait un grand écart, le design NSM est vraiment limite ! Pas étonnant qu'ils claquent, je m'étonne qu'ils tiennent aussi longtemps.

A gauche le pauvre BC337 qui a beaucoup chauffé avant de mourir (circuit imprimé et condensateur noircis), à droite le nouveau transistor BD137 de puissance sans son futur radiateur de refroidissement

Je le remplace sur les 2 préamplis avec un BD137 (max 1,5A sous 60V, c'est beaucoup mieux) que je soude sur la plaque en croisant 2 pattes. Je teste, ça refonctionne mais la température des transistors monte de suite à 60°C ! Ils travaillent ! Je préfère les soulager en y fixant un radiateur, la température tombe à 35°C, ce qui est beaucoup mieux. Je remplace les 2 condensateurs qui se trouvaient au-dessus des transistors, car ils ont déjà été bien chauffés et ils sont encombrants, il me faut de la place pour les radiateurs de refroidissement.

Condensateurs remplacés et radiateurs montés

Toujours les trimpots défectueux, je remplace ceux du gain d'entrée, de réglage de la pente (dynamique) du bouton de volume et du correcteur de tonalité. Le son reste faible sur un canal, les pots de correction de tonalité ne changent rien ... J'échange les cartes pour être sûr que le souci se trouve bien sur la carte préampli. Puis je la teste à l'établi, toutes les tensions DC sont OK sauf sur l'IC/II-3 où les pins 6 et 8 sont à 0V alors que d'après le plan il faudrait mesurer 3,3V. Je replace cet IC par un autre 4007 et bam c'est bon ! En lisant le datasheet du 4007, je découvre que ce chip contient juste 6 transistors CMOS et est plutôt réservé à des applications digitales (inverseurs, oscillateurs) qu'à des designs d'amplis linéaires analogiques. NSM m'étonne toujours dans ses designs inhabituels.

Free play fantôme

La documentation indique qu'il est possible de mettre la machine en free play. Mon dieu que la procédure est compliquée ! D'abord il faut rajouter un contact vers la carte processeur (connecteur C9 pin 3-4) pour simuler la clé "spéciale". Cette serrure était une option NSM à l'époque pour permettre d'activer le free play ou un nombre important de disques par pièce. Ensuite, j'ai l'impression qu'il faut encoder un code secret ! La doc indique bien qu'une fois modifié il ne faut pas l'oublier car il est impossible à retrouver ! Si quelqu'un l'a changé, je suis mort ! Mais bon le 00000 (code par défaut d'usine) à l'air de passer. Voici la séquence à faire au clavier  pour programmer le free play :

  1.  contact caisse ouvert -> affiche "PP"
  2. enfoncer touche [0] -> affiche "C0"
  3.  enfoncer 3x touche [Sélection] -> affiche "C3"
  4.  enfoncer touche [Hit] -> affiche "000 00"
  5. encoder [00000] - > affiche "000 00"
  6.  enfoncer touche [Select] -> affiche "000 00"
  7.  activer contact clé free play
  8.  fermer contact caisse -> ... devrait afficher "FrEE" ... mais continue à afficher le crédit existant !

Finalement, après plusieurs essais infructueux, j'écume internet pour trouver une seule explication sur ce forum ... Pour obtenir le free play il faut au minimum la version 170270 sur l'unique mémoire EPROM 2732. Or sur ma carte il y a DEUX EPROMs, une 2708 et une 2716 ! Et plus d'indication de version. Pas de chance, mais au moins j'ai l'explication ! 

Les 2 EPROMs 2708 et 2716

Il me reste à réparer le monnayeur d'origine. Il y a 3 petites plaquettes qui supportent les LEDs IR et les phototransistors. J'utilise la caméra de mon smartphone pour vérifier le fonctionnement IR des LEDs. Et oui, tous les smartphones peuvent "voir" les rayons infrarouges, ça clignote en blanc sur l'écran ! Essayez sur la télécommande de votre téléviseur ! Mais ici rien ne clignote ... je vérifie le câblage et je trouve une inversion vers les LEDs ! Il y a encore eu du bricolage malheureux, mais même après rectification, elles restent mortes. Comme je n'ai pas de petites LEDs IR, je les remplace par de petites LEDs blanches ... et ça marche ! Joli ce dessous de monnayeur illuminé, une animation de plus dans la machine, au moins on voit passer les pièces maintenant ! Hahaha, il faut bien rire de temps en temps ...

Il y a un petit bouton rouge sur le monnayeur pour ajouter du crédit manuellement et le client souhaite l'installation d'un bouton poussoir extérieur. D'habitude, il suffit de rajouter un contact supplémentaire en parallèle à celui qui existe, mais NSM ne fait jamais rien comme les autres et a même un tendance à complexifier inutilement les choses. En effet le bouton de crédit existant est normalement fermé (NC = Normally Closed) et garde le signal en permanence à la masse. Et donc, en appuyant sur le bouton, on ouvre le contact, ce qui "enlève" la mise à la masse et qui ajoute du crédit ! Pour activer, il faut "ouvrir" la ligne, et donc 2 contacts en parallèle ne permettront jamais de mettre de crédit. Il faut insérer un 2ème contact NC en série avec le 1er ! Pas facile à trouver un bouton poussoir normalement fermé, j'ai dû en commander !

La machine revient de loin, mais elle fonctionne à nouveau bien et le son est bon. Dépannage intéressant.

Néanmoins quelques temps plus tard, le phono cale à droite en bout de magasin, je détecte que c'est le relais MO (Moteur phono) qui ne fonctionne pas car il est "englué" dans une bizarre poudre/pâte blanche. Irrécupérable et manifestement ces relais NSM sont introuvables. NSM utilise 3 relais de 2 types (unipolaire et bipolaire). Après analyse du schéma, je ne trouve que 2 informations : la tension d'alimentation 56VDC et résistance de 3.400 ohms pour le relais bipolaire MO (Moteur phono) et 30VDC et résistance de 740 ohms pour les 2 relais unipolaires LR (Trip) et FA (Moteur Scan). Après quelques recherches, je trouve néanmoins quasi exactement les mêmes types de relais dans l'immense catalogue du constructeur de relais Finder.

Le relais MO en 48V est bien de 3.400 ohms et a pour référence : 40.52.9.048.0000. Il est bien prévu pour supporter au delà de 56VDC. Le plus difficile est de démonter le circuit imprimé qui fait contrôleur et ampli car il faut dévisser tous les régulateurs de tensions, pont de diode et transistors de puissance et surtout bien revérifier les positions des micas d'isolation châssis de la majorité de ces composants. Le moindre oubli ou faux contact serait fatal ! Le relais MO a été soudé sur la carte et testé avec succès !

Relais Finder type

Le type de relais pour LR et FA est en 24VDC, fait 900 ohms au lieu des 740 ohms indiqués sur le plan, mais supporte bien les 30VDC, il a pour référence : 40.31.9.024.0000. Je l'ai testé sur le dépannage du NSM E120 est c'est bon aussi !



2ème machine

Un 2ème exemplaire arrive, il semble en bon état. Le souci le plus évident est que le bras "coince" en milieu de disque. Après dégraissage des butées du mécanisme, essais de réglage de l'excentrique, rien n'y fait. Finalement, le souci est toujours le même, le contact BS qui gère le passage entre scan et play est défectueux. Je dois le remplacer sur chaque machine NSM que je reçois ! C'est un 3A d'origine, mais un 5A est plus sûr. Le réglage de la position de ce contact est également très délicat, mais avec beaucoup de patience on y arrive.

Un segment du premier afficheur reste éteint. Là aussi, c'est une panne courante chez NSM : les soudures des "vias" (passage entre les 2 faces d'une carte) sont peu fiables. Un coup de fer à souder et c'est bon.

Le free play est quand même plus pratique, et j'ai de la chance par rapport à la machine précédente, la version de ROM est bonne (170270) ! Et ans ce cas il suffit de ponter 2 pins sur un connecteur, j'ai installé un contact qui permet de choisir le mode gratuit ou payant !

Le contact de free play directement monté sur la fiche !

La machine fonctionne maintenant, seul le son est pourri : distorsion sur un canal à bas volume, fade-in très lent, réglage du niveau sonore impossible avec les pots de volume, réglages de tonalité chaotiques, déséquilibre entre canaux, ... La totale ! S'en suit une longue série d'actions :

Vu les difficultés générales rencontrées sur ces amplis par mon ami Gaston et moi, nous avons rédigés une page spéciale Amplis NSM qui détaille les réglages et autres aides au dépannage. Ces procédures ont été utilisées pour cette machine.

Intérieur du contrôleur et de l'ampli avec les radiateurs

Après quelques tests, il ne sélectionne plus ! Comment ça marche chez NSM ? A l'allumage, la machine scanne vers la droite, jusqu'à fermeture du contact de butée droite. A ce moment le contrôleur sait qu'il se trouve à la position x79. Un capteur optique rotatif est mû par l'engrenage du phonographe qui roule sur la crémaillère. Une roue avec des trous tourne devant une LED infrarouge, le disque troué laisse passer le rayonnement de la LED vers 2 phototransistors. Ceux-ci se ferment à chaque éclair de lumière vu et forment ainsi 2 signaux carrés légèrement décalés. Il reste au contrôleur à compter/décompter ces impulsions pour savoir où il est et de déclencher la lecture à la bonne position.

Je tente de voir ces impulsions à l'oscilloscope : rien ne sort des phototransistors ! L'alimentation +16V est OK et le câblage également. Comme il est peu probable que ces 2 phototransistors aient claqué en même temps, le problème ne peut être que la LED IR. Au multimètre les valeurs sont bizarres. On ne peut rien voir à l'oeil puisque c'est de l'infrarouge, mais les caméras de GSM affichent une lueur bleue. Mais rien ici. Je démonte le capteur et ressoude une mini LED blanche. Comme elle est plus haute que l'originale, je suis obligé d'éloigner la plaquette de support de la LED en insérant une rondelle. Le capteur n'est plus aussi bien fermé et du coup on voit la lumière blanche de la LED ! Lors du scan on a ainsi un joli éclairage de la crémaillère ! Et la machine resélectionne parfaitement, youpie ! Il y a un détail à ne pas oublier : la résistance de LED qui permet d'avoir le courant optimum pour ne pas griller la LED. Avec la LED IR il y avait une résistance de 270 ohms. Avec mon calculateur Electrodroid je constate que c'est beaucoup trop pour ma LED blanche : 50mA au lieu de 10-20mA ! Je monte une résistance de 680 ohms à la place et c'est bon. 

Le capteur est peu visible, mais on voit quand même la lumière de la nouvelle LED blanche (capteur = pièce 19 sur la vue éclatée)